jeudi 11 août 2016
Take Eat Easy vs Investisseurs : l'asymétrie de l'information
le 26 juillet 2016, Take Eat Easy jette l'éponge dans la livraison à domicile à la surprise générale.
Pour tout le monde ?
Deux des co-fondateurs semblent faire preuve de transparence par une annonce publique sur les réseaux sociaux. Par ce biais, tout le monde est informé en même temps, y compris les partenaires. Tous les médias se focalisent sur cet aspect de l'affaire, la plus visible.
Première impression :
Ils ont brûlé du cash, la suspicion gagne certains en sous-entendant une escroquerie. Il n'en est rien, car le modèle économique est très exigeant sur ce créneau.
Etait-ce prévisible ? Oui, pour celui qui est bien informé. Pourtant les chiffres étaient excellents, c'est l'arbre qui cache la forêt. Comme l'explique dans une interview à « Challenges » Gilles Raison, Directeur Général d'Allo Resto, concurrent sur un autre créneau rentable celui-ci, le service de livraison nécessite des investissements permanents et donc une dépendance vis à vis des investisseurs. Allo Resto est une marketplace, ils sont leaders sur leur créneau. Take Eat Easy est troisième sur son créneau.
Deuxième impression :
Bien informé ? Dans une interview à « L'Entreprise » Jean de la Rochebrochard de Kima Ventures, donc un investisseur, affirme que plus personne ne veut investir dans ce type de boîte, en tout cas pas eux. Je les comprends et moi non plus je ne voudrais pas. Pourtant l'année 2015 a été très active pour la livraison à domicile, puisqu'en plus de Take Eat Easy, Deliveroo et surtout Delivery Hero (Foodora) ont fait plusieurs levées de fonds tout au long de l'année, de janvier à novembre. Qui a démarré les hostilités ? Deliveroo dès janvier, puis Delivery Hero en février et en mars, Take Eat Easy ne l'a fait qu'en avril. Delivery Hero a continué en juin, Deliveroo en juillet, puis Take Eat Easy en septembre et pour finir Deliveroo en novembre. Au total, Delivery Hero a obtenu 659 millions, Deliveroo 195 millions et Take Eat Easy un tout petit 16 millions. Toutes ses informations sont disponibles publiquement quasiment quelques jours après, donc très rapidement. Deliveroo a commencé l'année en janvier avec 25 millions et a fini l'année en novembre avec 100 millions pour ses levées de fond. Take Eat Easy le fait en septembre avec 10 millions.
Cela fait beaucoup de chiffres à nous donner le tournis, c'est la réalité financière du secteur de la livraison à domicile. Take Eat Easy a réagi trop tard à chaque fois et n'a ramassé que les miettes, était-il en phase avec leurs investisseurs ? Quel rôle joue ou doit jouer l'investisseur dans une start-up ? 2 des 3 acteurs ont un investisseur en commun. L'un des acteurs a dans ses rangs, un ancien issu de l'investisseur. Ces informations existent publiquement et sont libres d'accès. Le deal exclusif avec une filiale de La Poste raté en juin s'explique plus facilement pour Take Eat Easy. A la lecture des chiffres ci-dessus aucun investisseur ne prendrait le risque de mettre un montant qu'il sait insuffisant.
Une start-up a-t-elle le temps lors d'une levée de fonds de s'informer pleinement ? Est-ce le rôle d'un investisseur de pallier ce manque ?
Ce cas d'usage montre bien la difficulté dans l'économie numérique de concilier ces contraintes. Les start-up doivent-elles faire que des levées de fond pour se financer ? Un élément de réponse nous ai donné par Delivery Hero dans ses levées de fonds en 2015 : la première est une série H, la deuxième est le second marché et la troisième est du private equity. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que ce soit cet acteur qui est levé le plus.
Le 5 août 2016, Deliveroo annonce une nouvelle levée de fonds de 275 millions d'euros. La course à la taille est un jeu dangereux où il ne vaut mieux pas être le troisième sur le créneau. L'économie numérique, c'est aller vite, très vite, trop vite ?
L'asymétrie de l'information est le déséquilibre entre les acteurs sur le niveau d'informations à avoir. Je n'ose pas croire que Take Eat Easy était au courant de toutes ses informations pour faire ses choix. Personnellement, l'asymétrie de l'information fausse le marché, c'est mon combat.
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